Du mile 1686 au mile 1716

Deux voitures sont passées en pleine nuit sur ces routes abandonnées. J’ai donc très mal dormi. Mais peu importe ! Aujourd’hui, je passe en Oregon. Je marche donc les derniers miles jusqu’à la frontière où je bois la bière que je porte depuis quelques jours. Terminé la Californie ! Enfin ! Cet état était interminable… 1690 miles (2700km), plus de la moitié de la randonnée. En parcourant cette même distance en Europe, j’aurais pu traverser 5 ou 6 pays !

A la frontière entre la Californie et l’Oregon

Je retrouve Gargamel et Tarzan. On avance en Oregon. Puis le trail retourne en Californie quelques centaines de mètres et repasse définitivement en Oregon. On arrive en haut d’une colline où on capte du réseau. Je passe un bref appel à la famille pour annoncer cette bonne nouvelle et je contacte la femme qui habite à Ashland qui avait proposé de m’héberger. Malheureusement, elle ne se trouve pas chez elle. Tarzan trouve potentiellement quelqu’un de disponible. Mais avant tout, il faut atteindre Ashland ! Ça veut dire 30 miles sur la journée. On marche donc, rapidement, sous un soleil de plomb avec une seule idée en tête : manger un burger en ville.

À l’ombre d’un arbre se trouvaient deux trail angels assis autour de trois glacières. Ils nous offrent une bière, un soda, et nous souhaitent la bienvenue !

On arrive finalement en ville, non sans mal car presque personne ne passe sur la route où on doit faire du stop. On mange un délicieux burger dans une brasserie et on se dirige vers un bar où se trouve la potentielle personne. Autour d’un succulent cidre brut artisanal, elle nous annonce qu’elle ne peut pas nous héberger mais que son fils nous accueillera avec grand plaisir. C’est alors que l’on rencontre son fils, complètement bourré, mais très accueillant. Un hiker qui louait une voiture pendant quelques jours se propose de nous déposer chez le fils plutôt que de rentrer à pied. On accepte et quelques minutes après, nous voilà dans le jardin du fils. C’est là que ça dégénère !

Il nous fait une brève visite des lieux, descend deux bières cul sec (comme s’il n’en avait pas eu assez…), nous indique où prendre de l’eau, nous invite à nous servir dans le placard à gâteaux. Ensuite, il nous répète plusieurs fois qu’on ne se rend pas compte de la chance que l’on a d’être ici. Il est minuit, je suis debout depuis 5h et j’ai fait 30 miles donc je suis a bout de force, mais l’histoire ne s’arrête pas là. Il nous regarde fixement dans les yeux et nous annonce : ‘j’ai une arme. Je vais vous tuer. Vous ne vous rendez pas compte de la chance que vous avez d’être ici. Vous voyez la montagne derrière ? Personne n’y va, je peux y cacher vos corps. Ne prenez pas ma gentillesse pour une faiblesse. J’ai une arme. Si vous allez au fond du jardin, je vous tue.’

Pendant 1h30, il nous répète ça sans cesse, entre coupés d’un ‘Faite comme chez vous, l’eau est à côté du frigo et l’armoire à gâteaux est au-dessus. Non, je ne rigole pas, je suis sérieux, vous ne vous rendez pas compte de la chance que vous avez d’être ici. Je vais vous tuer.’ 1h30 sans cesse… Gargamel et moi étions très inconfortables, mais Ashland est réputé pour être très peu acceuillante envers les marginaux. Vu l’heure, nous n’avions pas d’autre choix que de dormir sur place.

On a compris au bout de quelques minutes que monsieur fait pousser du cannabis (légal dans cet état) au fond de son jardin et qu’il était persuadé qu’on était là pour le voler. Au final, nous attendions qu’une chose : nous coucher.

On a fini par l’ignorer et faire semblant de dormir. Il continuait de parler et de descendre des bières. Il en descendra 8 au total. Voyant qu’on en avait plus rien à faire de lui, il a terminé par « j’ai une arme. Je vais libérer les poules cette nuit » et il est parti se coucher.

Sur ses belles paroles, c’est sur une pelouse peu confortable que l’on s’endort. Tarzan est en train de faire la fête dans le bar, son sac est avec nous.

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